Le manifeste

« Nous sommes tous des Éligibles »

I. Notre appel

Nous sommes des personnes malades, handicapées, vieillissantes, en situation de précarité, que certains désignent comme « éligibles » à l’euthanasie ou au suicide assisté.

À nos côtés, des familles, des proches, des aidants, des professionnels, des membres de la société civile affirment avec nous : Nous sommes tous des Éligibles.

Tous nous vivons, assumons et partageons une même vulnérabilité.

Au-delà de toute considération politique ou confessionnelle, notre inquiétude est commune. Elle nous mobilise et nous oppose à la proposition de loi relative à l’aide à mourir.

Car cette loi, loin d’être une simple réforme, engage un projet de société. Elle crée une fracture symbolique majeure : celle qui distingue les vies qui valent d’être accompagnées de celles qu’on peut proposer d’interrompre.

Nous refusons cette fracture.

II. Notre indignation

Cette loi intervient dans un contexte politique et social qui ne peut que nourrir les inquiétudes de celles et ceux qui vivent la dépendance, le handicap, l’âge et/ou la maladie.

Nous venons de franchir le seuil des 20 ans de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont l’un des fondamentaux renvoyait à l’obligation de solidarité collective. Or aujourd’hui, tous les constats vont dans le sens de notre incapacité à fournir un accompagnement technique et humain digne de ce nom aux personnes qui en ont besoin.

À cela s’ajoute un secteur du soin en berne, et une crise profonde du secteur de l’aide à domicile – les proches-aidants sont devenus la variable d’ajustement des politiques publiques en matière d’accompagnement, le pilier d’un système qui ne sait toujours pas respecter l’autonomie de toute personne.

Par ailleurs, l’accompagnement est encore trop souvent perçu comme une « prise en charge », et les personnes accompagnées encore trop souvent considérées comme des « objets de soins ». Beaucoup de personnes concernées se sentent comme un poids pour leurs proches et la société toute entière.

Nous le savons : notre fragilité ne diminue en rien notre dignité. Elle est même l’expression de notre condition humaine.

Nous ne sommes pas des fardeaux. Nous ne sommes pas des coûts sociaux. Nous sommes des femmes et des hommes debout, des citoyens à part entière, porteurs d’expériences, de luttes, de volontés.

Nous vivons avec la douleur, l’incertitude, la dépendance.

Nous savons mieux que d’autres qui en traitent comme d’une déchéance, ce qu’est la souffrance du corps et de la pensée, mais aussi avec quelle force on s’efforce jour après jour de la surmonter afin de préserver ou de reconquérir des espaces de liberté.

Que l’on ne nous parle donc pas de la liberté de renoncer à la vie, d’y mettre un terme en recourant à l’euthanasie ou au suicide assisté alors que notre conception de la liberté relève d’une volonté de vivre notre vie.

Nous refusons que le « droit de mourir » devienne la norme sociale et une forme de devoir moral que devraient accepter d’assumer les plus vulnérables en y sacrifiant ce qu’ils sont.

Nous refusons qu’une société prétende soulager la souffrance en légalisant l’élimination des personnes qui souffrent.

III. Notre espérance

Nous demandons un basculement de regard : que l’on cesse d’interroger notre droit à mourir, pour enfin se demander comment nous permettre de vivre pleinement, malgré la dépendance, le handicap, la maladie, l’âge ou la souffrance.

Les Éligibles veulent placer leur démarche dans une pulsion de vie, rappeler combien il est nécessaire de lui donner sa chance.

Nous demandons que la vulnérabilité soit reconnue comme un levier d’humanité partagée, et non comme un critère de mise à l’écart.

Nous demandons que la liberté ne soit pas réduite au choix de mourir, mais étendue au pouvoir de vivre dignement.

Nous voulons une société qui soigne, qui accompagne, qui soutient.

Une société qui ne renonce pas à la fraternité.

Nous proposons un basculement de cette attention aux conditions de notre mort pour qu’avec le même empressement soit ouverte une concertation consacrée aux conditions de notre vie en société, à nos droits existentiels et à notre autonomie.

IV. Nos exigences

  • Le retrait pur et simple de la proposition de loi sur l’aide à mourir tant que l’accès aux soins palliatifs n’est pas garanti, partout et pour tous.
  • L’organisation d’un Grenelle* de l’accompagnement pour refonder la politique du soin, du lien et de la solidarité envers les personnes vulnérables.
  • Un plan d’urgence pour les métiers de l’aide et du soin, incluant une revalorisation salariale et une révision des aides versées aux bénéficiaires.
  • La généralisation de la Prestation de Compensation du Handicap (PCH), quel que soit l’âge ou la pathologie, avec une gestion nationale équitable.
  • Une réforme du modèle d’accompagnement, conforme à la Convention Internationale relative aux Droits des Personnes Handicapées (CIDPH) : autonomie accompagnée, co-construction des parcours, citoyenneté pleine et entière.

*Un « Grenelle » est une grande rencontre nationale réunissant pouvoirs publics, associations, professionnels et citoyens pour débattre et décider ensemble de mesures concrètes.

Nous, Éligibles, choisissons la vie.
Et nous nous battrons pour qu’elle ne soit pas un privilège.
Pas un luxe. Pas un sursis.
Nous sommes tous des Éligibles.

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